All that is solid melts into air

All fixed, fast-frozen re­la­tions, with their train of an­cient and ven­er­a­ble prej­u­dices and opin­ions, are swept away, all new-formed ones be­come an­ti­quated be­fore they can os­sify. All that is solid melts into air, all that is holy is pro­faned, and man is at last com­pelled to face with sober senses his real con­di­tions of life, and his re­la­tions with his kind.

— Karl Marx & Friedrich En­gels, The Com­mu­nist Man­i­festo

Imag­ine the stage is a utopian space. It is the arena where we are free to dream, to evoke im­ages, to cast spells. It is the forum where we can shake peo­ple awake with a mul­ti­plic­ity of voices. We are free to build what we want, per­mit­ted to re­veal to oth­ers that which we must usu­ally con­ceal. Free to plant seeds, free to bear fruit.

Now you re­alise that the stage is real. Its space is lim­ited, de­lin­eated. There is not enough time, you have to make com­pro­mises: the for­est re­fuses to grow in one evening, the flower wilts, its petals do not un­fold as re­quested, the doves will not wait for their cue. You swear at their in­op­por­tune flap­ping.

You light a match. In the shad­ows you re­alise there is a third space, a space be­tween these first two: real, jagged, but filled with pos­si­bil­i­ties just out of sight. Be­fore you can turn, a man is at your elbow, your match has gone out, he is talk­ing into your ear. Other matches are being lit but each flame is quickly ex­tin­guished. The man’s voice seems to be res­onat­ing off every sur­face and you are led, to­gether with the other match-lighters into a small stone house.

It is dark and no mat­ter where you look, you can­not find your matches.

You are there for a long time. At first, it is dif­fi­cult liv­ing in the dark — you bump into other peo­ple be­cause you can­not see them; the voice that led you here gives or­ders but fights break out about what they mean; scared, in the dark, no-one will con­cede any ground — but, slowly, you get used to this house. Many peo­ple can­not un­der­stand you when you ask them what colour they think the walls are. They do not re­mem­ber ever be­liev­ing in sight.

At night, it is cold in the house. As you try fit­fully to sleep on the floor amongst the in­vis­i­ble, rest­less bod­ies, you dream about light­ing matches. When you wake up, you are shiv­er­ing, but you know that your dreams can­not be­come re­al­ity, so you close your eyes and try to rekin­dle those fleet­ing im­ages.

Even you can no longer imag­ine burn­ing the house down.

A guitarist playing by candlelight

Kobe van Cauwen­berghe at the pre­miere of All that is solid melts into air

French Pro­gramme Note

Trans­la­tion in col­lab­o­ra­tion with Karim Barkati

Imag­inez que la scène est un es­pace utopique. C’est l’es­pace où nous sommes li­bres de rêver, d’évo­quer des im­ages, même de jeter des sorts. C’est le forum où nous pou­vons réveiller les dormeurs avec une mul­ti­tude de voix. Nous sommes li­bres de con­stru­ire ce que nous voulons et nous pou­vons aussi révéler ce qu’il nous faut d’or­di­naire cacher – li­bres d’ense­mencer et li­bres de don­ner des fruits.

Main­tenant, tu réalises que la scène est réelle. Son es­pace est limité, délimité. Il n’y a pas assez de temps et il faut faire des com­pro­mis : la forêt refuse de grandir en une soirée, la fleur se fane et ses pétales ne s’ou­vrent pas, les colombes n’at­ten­dront pas le sig­nal et tu pestes con­tre leur envol.

Tu grattes une al­lumette. Dans l’ombre, il y au­rait bien un troisième es­pace entre ces deux pre­miers : réel et irrégulier, mais rem­pli de pos­si­bilités presque à la portée de ton re­gard. Avant même d’avoir eu le temps de te re­tourner, un homme est là derrière toi… Ton al­lumette s’est éteinte, il te parle à l’or­eille. On gratte en­core des al­lumettes mais la flamme s’éteint très vite. La voix de l’homme sem­ble re­bondir sur chaque sur­face et on vous amène, avec les autres grat­teurs d’al­lumettes, dans une maison­nette en pierre.

Il y fait som­bre et, où que tu cherches, pas moyen de retrou­ver tes al­lumettes.

Tu es là depuis longtemps. Au début, c’est dif­fi­cile de vivre dans l’ob­scu­rité – tu te cognes dans les autres parce que tu ne les vois pas ; la voix qui vous a con­duit jusqu’ici donne des or­dres mais on se dis­pute sur leur sens; ef­frayés, plongés dans l’ob­scu­rité, per­sonne ne cédera d’un iota – cepen­dant, peu à peu, tu com­mences à t’habituer à cette mai­son. La plu­part de ses habi­tants ne com­pren­nent pas ta ques­tion quand tu leur de­man­des de quelle couleur ils pensent que sont les murs… Ils ne sou­vi­en­nent pas avoir ja­mais cru en la vi­sion.

La nuit, il fait froid dans la mai­son. Alors que tu es­saies désespérément de t’en­dormir, au mi­lieu des corps agités qui jonchent in­vis­i­ble­ment le sol sans non plus trou­ver le som­meil, tu rêves d’al­lumettes. Quand tu te réveilles, tu fris­sonnes mais tu sais que tes rêves ne peu­vent pas de­venir réalité, alors tu refer­mes les yeux et tentes de ranimer ces im­ages fu­gaces.

Même toi, tu ne peux plus imag­iner de brûler la mai­son.